Israel*: Nous tirons aussi sur des enfants, n'est-ce-pas*?
We Shoot Children Too, Don't We
Dan Almagor, 04 août 2002
Dan Almagor est Israélien, professeur de littérature. Il est bien connu dans toute la Palestine, comme auteur de pièces de théâtre, et comme invité des plateaux de télévision. Le texte que nous publions est extrait d'un poème qui fit sensation à Tel Aviv, lorsqu'il fut lu au cours d'une manifestation qui marquait le premier anniversaire de la première Intifada. Dan Almagor l'avait écrit après avoir visité la ville de Naplouse pour la première fois. Avant de l'écrire, il y retourna pour être sûr, cette fois accompagné d'un ami proche, le Ministre de la Défense de l'époque, rien moins que le général Yitzhak Rabin, avec qui il coupa les ponts ensuite.
La plupart de ces gens désirent vraiment
Faire la récolte de leurs oliviers
Comme ils l'ont fait pendant des centaines d'années.
La plupart de ces gens désirent vraiment élever leurs enfants
Non pas à jeter des pierres
Ou des cocktails Molotov,
Mais à étudier en paix,
Jouer en paix,
Et brandir un drapeau.
Un drapeau.
Leur drapeau.
Et face à ce drapeau, pleurer,
Comme nous l'avons fait, cette nuit-là, alors, tout excités que nous étions.
Et nous n'avons aucun, n'avons aucun, n'avons aucun
Droit au monde
De leur voler ce désir.
Ce drapeau,
Ces larmes,
Ces larmes qui viennent toujours, toujours
Après toutes les autres.
Commençons à préparer notre défense.
Nous en aurons besoin assez vite.
Tous ceux qui l'ont vraiment fait.
Et ceux qui le font encore.
Et ceux qui se taisaient,
Et ceux qui le font encore.
Et ceux qui n'ont rien dit
Et ceux qui gloussent, disant
« Quelque chose doit être fait, vraiment;
(Mais pas ce soir. J'ai un concert,
Un gala,
Un anniversaire!) »
Oui, nous serons tous appelés à comparaître un jour
Aux procès des Colonels.
Les procès des Colonels arrivent,
Leur temps viendra, il doit en être ainsi.
Les procès des Généraux, des Colonels,
De la division, du bataillon,
Et des sous-officiers.
Impossible d'y échapper.
C'est ainsi que l'histoire travaille.
Que dirons-nous alors?
Que diront les colonels, les capitaines, les caporaux?
Que diront-ils
De ces terribles tabassages,
La Brutalité,
Des maisons détruites,
Et plus que tout, l'humiliation.
Cette humiliation.
Des malades obligés de nettoyer les écrits sur les murs.
Des vieillards obligés de descendre un drapeau
D'un pylône électrique
Qui ont été électrocutés, ou sont tombés
Et se sont cassé les jambes.
De ce vieux porteur d'eau
À qui des soldats ordonnèrent de descendre de son âne
Et s'amusèrent de lui, pour le plaisir.
Nous prêtons une oreille sourde.
Nous prêtons un cœur sourd.
Méchants, arrogants, muets.
Qui croyons-nous être?
Qui nous a donné le droit
D'être aussi sourds, aussi muets?
Ignorant l'évidence : Ils sont aussi humains
Que nous, aussi humains que nous.
Au moins aussi humains que nous avions l'habitude de l'être.
Il y a seulement quarante-et-un ans.
Pas moins zélés, pas moins intelligents
Aussi sensibles, aussi remplis d'espoir.
Ils aiment leurs femmes et leurs enfants
Comme nous les aimons, pas moins.
Et nos enfants maintenant tirent sur les leurs
Avec des balles en plomb, en caoutchouc, et des gaz.
L'État palestinien sera.
Il sera.
Ce n'est pas un poète qui l'a écrit.
C'est l'Histoire qui l'écrira.
Et des saisons arriveront, et des saisons s'en iront,
Et la vie continue comme tous, très bien, nous le savons.
Mariages, et naissances, et morts, toujours pareil -
Mais seulement la honte de cela. La honte.
Dan Almagor
We Shoot Children Too, Don't We
Texte anglais : http://www.umassd.edu/specialprogra...fairs/shoot.htm
04 août 2002 © Solidarité-Palestine - E-mail: webmaster@solidarite-palestine.org